Après le Display et les Cookies tiers, Apple a décidé de s’attaquer à l’email marketing. Le but est d’amélioration ses fonctionnalités de confidentialité et de protéger les données personnelles de ses clients. Google fait à moindre mesure de ce sujet son cheval de bataille.
Dans les faits, l’annonce d’Apple a été faite au printemps 2021 lors de sa conférence annuelle des développeurs (WWDC21) sous le nom de Mail Privacy Protection (MPP). Cela a engendré de grandes inquiétudes chez les marques et plus particulièrement chez les professionnels du marketing pour qui l’emailing est un canal de relation client essentiel.
En préambule, voici les chiffres de l’email en France et dans le monde
Nombre d’utilisateurs
Monde : 3,9 milliards en 2019. Plus de la moitié de la population mondiale utilise l’e-mail. Prévision pour 2023 : 4,3 milliards.
France : 42.2 millions en 2019. Chaque jour, 22,7 millions se connectent à au moins un compte mail (Médiamétrie, janvier 2019).
À noter, 75 % des comptes mail sont personnels, 25 % professionnels.
Nombre de mails envoyés chaque jour
Monde : 293 milliards en 2019 (hors spam). Prévision pour 2022 : 347 milliards (Radicati Group, février 2019).
France : 1,4 milliard (hors spam). Un internaute français reçoit en moyenne 39 e-mails par jour.
Le spam
Selon les moments et selon les mesures, le spam représente entre 55 et 95 % du trafic total de l’e-mail. La majeure partie (près de 90%) est filtrée en amont par les outils anti-spam des messageries et est donc invisible aux yeux des internautes (elle n’apparaît donc pas dans le dossier Indésirables).
L’e-mail en entreprise
- 88 emails sont reçus et 34 sont envoyés en moyenne par jour en entreprise par collaborateur.
- Seuls 12 messages sont identifiés par les usagers comme étant du spam.
- L’abondance des messages à un effet pervers sur le salarié.
- 43 % des salariés français sont interrompus au moins toutes les dix minutes et 31 % avouent être distraits dans leur travail.
- 72 % des Américains consultent leur boîte mail professionnel en dehors des heures de bureau.
Qu’est-ce que le Mail Privacy Protection (MPP) ?
Selon Apple, « Mail Privacy Protection » ou MPP met un coup d’arrêt au suivi de l’activité des emails. Il s’agit de cacher votre adresse IP de sorte que les expéditeurs ne peuvent pas la lier à votre autre activité en ligne ou déterminer votre emplacement. Et cela empêche les expéditeurs de voir si et quand vous avez
ouvert leur email, de façon à rendre plus difficile le ciblage selon la localisation.
Depuis le 20 septembre 2021, MPP est disponible pour l’application Mail sur les appareils iOS 15, iPadOS 15, et macOS Monterey. MPP est effectif pour tout email ouvert à partir de l’application Apple Mail uniquement. Les autres applications de messagerie utilisées ne sont pas concernées, comme par exemple Gmail sur un iPhone.
Comment fonctionne le MPP ?
Lorsque quelqu’un ouvre l’application Apple Mail pour la première fois, il reçoit un message l’invitant à « Protéger l’activité Courrier » ou « Ne pas protéger l’activité Courrier » (ni l’un ni l’autre ne sont présélectionnés).
Lorsque quelqu’un sélectionne l’option « Protéger l’activité Email », voici ce qui se passe : Apple achemine d’abord les emails par un serveur proxy pour précharger le contenu des messages, y compris les pixels de suivi, avant de les transmettre aux lecteurs.
Pour faire un résumé technique du fonctionnement :
- Lorsque l’application Apple Mail de l’abonné démarre, il déclenche un téléchargement de l’e-mail à son appareil à partir de son hôte de messagerie (par exemple Yahoo ou Google).
- À intervalles indéterminés, Apple télécharge toutes les images dans l’email, créant une copie dans le Cache de confidentialité d’Apple. Le téléchargement est déclenché par un serveur proxy avec une adresse IP assignée, masquant la géolocalisation.
- Ce processus de mise en cache nécessite qu’Apple demande les images au fournisseur de services de messagerie (ESP), y compris le pixel de suivi ouvert, ce qui fait que l’ESP pense que
l’email a été ouvert. - Quand l’abonné ouvre l’email, il déclenche une demande de télécharger et afficher les images de l’email, mais au lieu de venir de l’hôte web de l’expéditeur ou du serveur ESP, ils viennent de l’Apple Cache. Donc, vous ne verrez pas le vrai ouvert.
Pour ces raisons, il n’est pas possible de dire qui a ouvert vos e-mails, quand et où via Apple Mail.
Ce que cela signifie pour les spécialistes de l’email marketing
Apple brouille maintenant le suivi des ouvertures de mails, Google suit cette voie. Au-delà d’une simple métrique KPI le taux d’ouverture est couramment utilisé pour :
- Le nurturing
- Le retargeting
- Optimisation du temps d’envoi
- Personnalisation campagnes d’emailing dynamiques
- Suivi de la productibilité
Pour l’événementiel, les dir com (directeurs/directrices de la communication), les chefs de projets événementiels, et autres organisateurs d’événements, l’adaptation sera assez facile car les 3 KPI couramment retenus sont :
- La délivrabilité
- Le taux d’inscription
- Le taux de désinscription (obligation depuis la RGPD – GDPR en anglais)
Chez Prezevent, nous encourageons depuis toujours de segmenter les campagnes selon les statuts d’inscription, et non sur les ouvertures ou non des emails.
Par contre, les marketeurs qui utilisent un pixel invisible pour la géolocalisation de leur audience à travers l’adresse IP sont plus ennuyés. Ces pratiques se retrouvent davantage associés aux activités de e commerce.
Pourtant les gens veulent de la personnalisation :
- 83 % des consommateurs sont prêts à partager leurs données pour avoir une expérience plus personnalisée (Accenture).
- 3/4 des acheteurs attendent des spécialistes du marketing de leur procurer une relation intime avec les marques (Demand Gen Report 2020 Buyer Behavior Study).
- 80 % des clients sont plus susceptibles de faire un achat auprès d’une marque qui offre des expériences personnalisées (Epsilon).
- 6 professionnels du marketing sur 10 signalent que la personnalisation des emails est une priorité.
Que faire alors ?
Même si MPP est déjà là, il n’est pas trop tard pour optimiser vos campagnes d’email marketing. Les principales conséquences sont les suivantes :
- Vous devez identifier de nouveaux KPI donc pour le suivi de la performance des emails. À partir du moment où le taux d’ouverture des utilisateurs d’Apple Mail n’est plus fiable, vous devez considérer d’autres indicateurs pour évaluer une campagne email. Le taux de clics et surtout le taux de conversions (= taux d’inscription sur Prezevent) sont des critères intéréssants.
- Idem, la segmentation basée sur les taux d’ouverture n’est plus pertinente.
Inutile dorénavant pour les experts du marketing de pratiquer une politique de sunset policy, c’est à dire retirer les adresses des destinataires inactifs pour nettoyer les listes. - Il peut y avoir des conséquences sur l’A/B testing
- Quid des minuteries et compte à rebours qui risquent d’afficher des heures périmées car la version mise en cache prend l’heure d’envoi, et non à l’heure d’ouverture
- Il faut changer la manière de personnaliser les emails en temps réel.
Certainement que l’expérience devra être prolongée sur les sites et les appli des annonceurs. - Certains emails interactifs qui font référence à des feuilles CSS externes ne fonctionnent pas devront être revus.
- Enfin, les workflows d’emails automatisés sont logiquement touchés, tels que les campagnes d’onboarding ou de réengagement par exemple, dans la mesure où ces flux automatisés s’appuient
sur le fait que l’email est ouvert par l’utilisateur pour déterminer l’envoi du prochain email.
Conclusion
Il importe de relativiser. Apple Mail Privacy Protection est certainement un coup dur pour le marketing et pour les consommateurs qui désirent une expérience personnalisée des marques auxquelles ils font confiance.
Parallèlement le secteur de l’événementiel d’entreprise à qui nous nous adressons chez Prezevent et qui fait usage de l’email marketing pour gérer les invitations à un événement est a priori assez peu concerné.
À notre connaissance, aucun de nos clients utilisait un pixel de géolocalisation. Alors oui, tout le monde regarde le taux d’ouverture mais celui-ci a toujours été vu comme un indicateur secondaire approximatif tellement les règles peuvent changer d’un gestionnaire d’email à un autre.
Aussi, avec moins de 10% de part du marché, l’application Mail d’Apple ne touche pas tout le monde. Et combien de ces utilisateurs activeront ou désactiveront la fonction ?
La fin de l’email marketing a souvent été appelée ces 15 dernières années, que ce soit avec l’arrivée des messageries d’entreprise comme Slack, des bloqueurs de pub ou du RGPD. Il n’en reste pas moins que les marketeurs s’adaptent et évoluent en fonction du champ des possibles… et du pas-possibles.